Un jour surgit un nouveau projet.

Un nouvel élan que je sens sourdre dans ma poitrine, un rêve qui pointe doucement, une graine prête à percer sous la neige… Mon cœur réclame mon attention, battant la cadence, tambour profond qui m’appelle au rythme de la marche et d’un chemin à tracer, un pas après l’autre.

Alors la peur monte et parfois m’étouffe : le projet qui sous-tend cette vitalité nouvelle m’apparaît comme une montagne immense et inaccessible. Rien qu’à la regarder dans les yeux, le découragement m’alourdit, mes pieds figés et plantés au sol : comment vais-je faire? Jamais je ne pourrai, je ne suis pas capable…

Le petit vélo dans ma tête tourne et tourne en boucle fermée : et si je me perds, et si je tombe, et si j’échoue? Serais-je vraiment capable d’abattre tout ce travail, et comment vais-je réussir alors que je ne connais pas la route, que je n’ai même pas de carte? Et suis-je assez préparée? Peut-être devrais-je rajouter quelques kilos dans mon sac à dos, et aussi me reposer, d’abord, pour avoir assez d’énergie, et lire encore quelques gros pavés sur le sujet, juste pour être sûre, et d’ailleurs, pour qui je me prends?!

Pourtant, quand la graine est prête à éclore et qu’elle suinte, là, juste sous la surface, l’énergie que je mets à l’empêcher de surgir m’épuise. Quand l’élan pulse dans mes veines, il n’y a pas d’autre choix que de se pencher et de l’écouter. Tendre l’oreille, laisser monter la sève et me préparer à ne rien contrôler : une fois le processus lancé, ma seule certitude est qu’il puise ses racines à ma source profonde. Pour le reste, sois prête à tout, surtout à ce que tu n’attends pas ! Tes rêves pourraient même se réaliser bien au-delà de ce que tu as osé imaginer…

Face à l’angoisse qui me retient d’oser, de suivre cet élan me projetant dans la vie sans parapluie, face à la peur qui me cheville le corps et m’immobilise, la seule antidote que je connaisse est l’action.

Les tout petits pas.

Des gestes infimes, si simples soient-ils, pour briser l’inertie : se lever, traverser la pièce. Saisir son téléphone. Écrire un mail (et appuyer sur envoyer!) Faire la vaisselle. Trier et ranger un tout petit espace, jeter ce qui ne sert plus. Saisir un stylo et écrire, sans réfléchir, juste dix petites minutes, tout ce qui vient – même trois mots à peine esquissés sur une feuille.

Peu importe. Ce qui compte, ce que je me répète inlassablement comme un mantra, c’est cela : faire le premier pas.

Juste un pas.

Un pas qui n’a pas besoin d’être parfait. Peut-être même qu’il ne va pas tout à fait dans la bonne direction au début, et c’est valable aussi : en avançant, je pourrai trouver une meilleure perspective et ajuster le cap.

Quand ça bloque, je me demande : quelle est la toute petite action que je peux faire juste là, et qui va dans le sens du désir qui émerge dans mon terreau intérieur?

Et quand ça bloque encore, je sors ma trousse d’urgence, avec ces mots de Jean Giono :

“Si tu n’arrives pas à penser, marche.
Si tu penses trop, marche.
Si tu penses mal, marche encore.”

Alors j’enfile mes baskets, j’ouvre la porte et je déroule mes pas, l’un après l’autre.

Et je laisse s’infiltrer la clarté.

Et vous, quel sera votre premier pas aujourd’hui ?